
Sur moi
J'ai grandi dans une petite ville isolée du nord-ouest du Canada, appelée Amos. Des rues vides et beaucoup de boîtes. Aussi loin que je me souvienne, je me suis sentie extrêmement seule et isolée. Je ne pouvais tout simplement pas rentrer dans aucune de ces cases. Tard dans les nuits solitaires sous le toit de ma grand-mère, où je me faisais garder la plupart du temps, je regardais les tableaux accrochés sur ses murs et j'étais transportée dans la fantaisie, laissant derrière moi une monotonie grise et villageoise. Mûres d'une innocence bienheureuse, les âmes bidimensionnelles me comprenaient d'une manière ou d'une autre plus profondément que les âmes tridimensionnelles de ma vie réelle.

À 14 ans, mes parents m’ont emmenée au Mexique pour un voyage qui allait me façonner de façon irréversible. Soudain, j’avais un but. Ma vie m’avait révélé son sens. J’allais voyager. Plus que tout, j’avais besoin de me connecter avec des gens d’origines et de cultures différentes. Évoluer en tant qu’être humain en vivant dans le monde. Seulement trois ans après ce voyage, à 17 ans, j’ai réussi à quitter ce que j’appelais chez moi, les poches vides et l’esprit rempli. J’ai déménagé à Banff, en Alberta, et j’ai appris un peu d’anglais avant de faire de l’auto-stop à travers les États-Unis jusqu’à la frontière du Mexique, puis de l’Amérique centrale. Depuis, j’ai réussi à « rester » sur la route. Je n’ai jamais su quel genre de vie me permettrait de le faire, mais j’ai trouvé des moyens de rester libre, en travaillant comme serveuse nuit et jour ou dans une ONG. Pendant mon temps libre, je dessinais des portraits de personnes autour et loin de moi.

La constante a toujours été et sera toujours la jeune femme. La plus évidente mais aussi la plus tendue, ma connexion à l’enfant intérieur est devenue ma seule mission. Trouver la force cachée dans les plis de la fragilité, dans un courage qui crie plus fort et plus longtemps que la peur. Mes pinceaux me servent de béquilles pour franchir le pont entre l’enfance et la féminité. Je commence généralement avec légèreté et subtilité, en utilisant un simple crayon et juste assez de peinture acrylique et à l’huile pour gratter la surface. Peu importe à quel point je m’y oppose, je perds toujours la guerre menée contre le minimalisme. Une fois le carnage apaisé et mon moral remonté, le sang qui reste est le souvenir chargé d’innombrables couches et de nuits blanches, orné de reflets de feuilles d’or. Rien ne m’inspire plus qu’une toile vierge, ce qui explique pourquoi j’ai tendance à peindre sur des œuvres finies bien trop souvent.